ZIMMERWALD (CONFÉRENCE DE)

ZIMMERWALD (CONFÉRENCE DE)
ZIMMERWALD (CONFÉRENCE DE)

ZIMMERWALD CONFÉRENCE DE (1915)

L’Europe est en guerre depuis treize mois lorsque s’ouvre le 5 septembre 1915 à Zimmerwald, près de Berne, la première conférence socialiste internationale depuis l’effondrement de l’Internationale socialiste en août 1914. Les tentatives de renouer des liens internationaux ont été nombreuses; elles venaient soit de partis socialistes de pays neutres ou non engagés dans le conflit (conférence italo-suisse de Lugano en septembre 1914; réunion des partis socialistes hollandais et scandinaves à Copenhague en janvier 1915), soit de minorités socialistes des pays en guerre, opposées à la politique d’Union sacrée et de collaboration de classe appliquée par la direction de leur parti; ainsi Clara Zetkin, responsable du travail politique auprès des femmes au sein de l’Internationale, avait organisé en mars 1915 une conférence des femmes socialistes à Berne; une conférence des Jeunesses socialistes l’avait suivie. Ces réunions dénonçaient certes le caractère impérialiste de la guerre, mais ne dépassaient pas un pacifisme «primaire» pour définir un programme de lutte contre la guerre; elles n’en traduisaient pas moins une aspiration profonde à une coordination internationale des actions menées contre la «trahison» des dirigeants socialistes dans chaque pays. Devant les refus réitérés des responsables de l’Internationale de convoquer une réunion des instances exécutives, les partis italien et suisse prennent l’initiative de convoquer en Suisse tous les partis ou minorités socialistes à une conférence internationale. Lorsque celle-ci s’ouvre, trente-huit délégués sont présents, représentant l’Allemagne, la France (Merrheim, de la fédération C.G.T. de la métallurgie, et Bourderon, militant socialiste et dirigeant de la fédération C.G.T. du tonneau), l’Italie, la Russie, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la Suède et la Norvège, la Suisse; les délégués anglais se sont vu refuser leur passeport.

La conférence procède tout d’abord à un tour d’horizon sur la situation des diverses oppositions à la guerre. En France notamment, l’opposition est regroupée sur le plan politique autour de la fédération socialiste de la Haute-Vienne et de l’organe syndicaliste révolutionnaire de Pierre Monatte, La Vie ouvrière ; sur le plan syndical, la résistance s’organise autour des fédérations de la métallurgie, du tonneau, de l’enseignement et de l’union des syndicats du Rhône. Dans l’ensemble, les partis socialistes d’Europe orientale (Russie et Serbie surtout) ont mieux résisté à la bourrasque d’août 1914; l’opposition commence à se manifester publiquement en Allemagne, mais outre qu’elle est très minoritaire, elle est divisée entre les centristes groupés autour de Kautsky et une gauche plus radicale rassemblée par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Cette même division se retrouve au sein de la conférence, lorsqu’elle aborde le point central de son ordre du jour, «l’action du prolétariat pour la paix». Très rapidement les délégués français et allemands s’accordent sur une déclaration commune, dénonçant la guerre et appelant à la solidarité prolétarienne internationale. C’est sur le contenu du Manifeste aux travailleurs que se dégagent les tendances: une gauche minoritaire (sept à huit délégués de Russie, de Pologne et un seul délégué allemand) menée par Lénine défend la nécessité d’une position claire sur la question du vote des crédits militaires par les parlementaires socialistes, de la dénonciation des «opportunistes» et «social-traîtres» qui ont entraîné le mouvement ouvrier dans cette guerre; surtout, cette gauche affirme nécessaire la création d’une troisième internationale ouvrière. La droite de la conférence, emmenée par la majorité de la délégation allemande, refuse le vote contre les crédits de guerre et préconise seulement l’abstention, refuse aussi de rompre avec les partis socialistes d’Union sacrée et ne voit donc aucune nécessité de créer une nouvelle internationale; pour elle, redresser la précédente suffit. Le centre de la conférence, animé par les délégués français, oscille entre ces deux pôles et parvient à établir un compromis, auquel Trotski aura beaucoup collaboré.

Le manifeste analyse la guerre comme le «produit du capitalisme», dénonce le ralliement des partis ouvriers aux gouvernements bourgeois et appelle les travailleurs de tous les pays à s’unir contre la guerre. Incontestablement, la gauche léniniste a fait d’importantes concessions, en particulier sur les moyens à mettre en œuvre. Lénine s’en explique peu après: «Ce manifeste constitue un pas en avant vers la lutte réelle avec l’opportunisme, vers la rupture et la scission, c’est un fait acquis [...]. Ce serait une piètre tactique que de se refuser à marcher avec le mouvement international grandissant de protestation contre le social-chauvinisme, uniquement parce que ce mouvement ne fait qu’un pas en avant» (Lénine-Zinoviev, Contre le courant ). Par ailleurs, la conférence décide de créer un bureau permanent: la commission socialiste internationale, qui siège à Berne, a pour mission de maintenir la liaison entre tous les groupes socialistes opposés à la guerre, et de diffuser les textes adoptés à Zimmerwald.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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